13 enero 2010



The problem-solving process, which is an aspect of all human activity, plays a pivotal role at school—especially secondary school. In daily life, there are many situations that require various problem-solving strategies. Whether we have to weigh the issues raised by certain situations, to choose from among a range of possibilities that are not all equally viable or to make informed decisions, the ability to handle these situations rationally is always an asset. Problem solving is not a linear process that can be reduced to the simple application of an algorithm. One must begin by defining the problem or recognizing the
elements that define it in a given situation. Typically it is
by trial and error, exploring various possible solutions,
testing hypotheses, starting over and reformulating the problem that one constructs a satisfactory solution— which does not mean that it is the only possible solution.


Such a process can take many forms, if only because of the many different contexts in which it is carried out. Solving a mathematical problem is not the same as solving a problem concerning everyday life. And yet, beyond the specific strategies involved, they do have something in common: both entail exploring many possibilities, being open to new alternatives, making use of various resources and reflecting on the approach used.


Focus of the Competency


By dealing with a wide variety of situational problems, students will discover that there may be more than one way to solve a problem, that some solutions are more effective than others and that context and resources often determine which solutions are most appropriate. It is therefore important for teachers of all subjects to set their students relatively complex problems and to take advantage of opportunities for problem solving that may arise during activities not originally intended as problemsolving activities. The school should provide students with situational problems that correspond to their level, and either help them become aware of their own resources or give them access to the resources they need. It should also encourage them to persevere in their efforts to solve problems and to regulate their own procedures, while allowing them to make errors.


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Source et copyright à la fin du texte
in Pédagogie collégiale (Québec),
Vol. 9, n° 1, octobre 1995, pp. 20-24.
















Des savoirs aux compétences :
de quoi parle-t-on en parlant de compétences ?


Philippe Perrenoud


Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1995


Réussir à l’école n’est pas une fin en soi. Certes, chaque apprentissage prépare aux suivants dans le cursus scolaire. Mais au bout du compte, en principe, l’élève devrait être capable de mobiliser ses acquis scolaires en dehors de l’école, dans des situations diverses, complexes, imprévisibles. L’accent mis sur le réinvestissement des acquis scolaires répond à un souci d’efficacité de l’enseignement, d’adéquation plus grande des apprentissages scolaires aux situations de la vie au travail et hors travail. Aujourd’hui, cette préoccupation s’exprime dans ce qu’on appelle assez souvent la problématique du transfert des connaissances ou de la construction de compétences. Les deux expressions ne sont pas interchangeables, mais elles désignent toutes deux une face du problème :


pour être utiles, les savoirs scolaires doivent être transférables ;
mais ce transfert exige plus que la maîtrise de savoirs, il passe par leur intégration à des compétences de réflexion, de décision et d’action à la mesure des situations complexes auxquelles l’individu doit faire face.
Tout cela pourrait sembler aller de soi. Mais la scolarité est une longue marche, une tranche importante de l’histoire de vie des enfants, des adolescents et même des jeunes adultes, qui dure de 2 à 4 ans à 16 ou 25 ans, selon la durée des études. Lorsque " l’entrée dans la vie active " est aussi éloignée, il est facile de perdre de vue l’objectif final, en particulier durant la scolarité obligatoire, qui a pour mission de donner une culture générale sans référence à un avenir professionnel particulier. S’il l’on revient régulièrement, dans des termes qui changent d’une époque à l’autre, au problème du transfert des connaissances et de la construction des compétences, c’est parce qu’il n’est toujours pas résolu en pratique.


L’école développe à coup sûr une compétence : elle prépare ses meilleurs élèves à mobiliser des savoirs en situation d’exercice scolaire ou d’examen, c’est-à-dire dans un type très particulier de contexte. Et il se peut que cela suffise à la plupart des acteurs : les enseignants ont couvert leur programme, les élèves ont obtenu le droit de poursuivre leurs études. La question de savoir ce qu’il en restera plus tard, hors de la vie scolaire, n’est pas nécessairement une question cruciale dans la vie des maîtres et des élèves. À certains égards, c’est une question encombrante, embarrassante. L’école ne tient guère à l’affronter. Prendre conscience des limites du transfert des apprentissages scolaires, reconnaître que les élèves qui réussissent en classe ne sont pas nécessairement capables de mobiliser les mêmes savoirs dans d’autres situations, aurait, si l’on voulait ne pas se résigner à ces constats, des implications considérables en matière de contrat pédagogique, de transposition didactique, de travail scolaire, de gestion de classe, mais aussi, sans doute, de coopération professionnelle, de fonctionnement des établissements, de rôle de l’autorité scolaire.


Je tenterai ici de cerner ce qu’une approche par compétences et le souci du transfert des acquis implique pour le métier d’enseignant et le métier d’élève (Perrenoud, 1994 a, 1994 b). Je préciserai au préalable le sens que je donne provisoirement à la notion de compétence.


Nous sommes tous en quête d’une définition claire et partagée des compétences. Hélas, le mot se prête à de multiples usages et nul ne saurait prétendre donner LA définition. Que faire alors ? Se résigner à la tour de Babel ? Tenter d’identifier le sens le plus courant dans une institution ou un milieu professionnel ? Avancer une définition explicite et s’y tenir ? Je passerai d’abord en revue trois acceptions de la notion de compétence qui, à mon avis, n’apportent pas grand chose à la compréhension des problèmes. Je proposerai ensuite une conception plus exigeante des compétences, en les liant au transfert et à la mobilisation des connaissances.


Trois acceptions qui n’apportent pas grand chose


On peut assimiler une compétence à un objectif, à une performance potentielle ou à un savoir-faire. Ces trois acceptions sont légitimes, mais me semblent peu fécondes.


1. Parfois, on parle de compétences simplement pour insister sur la nécessité d’exprimer les objectifs d’un enseignement en termes de conduites observables ; on renoue alors avec la " tradition " - vieille maintenant de 30 ans !- de la pédagogie de la maîtrise ou des diverses formes de pédagogie par objectifs. Je n’ai donc rien contre l’approche par objectifs. Elle n’est nullement dépassée, à condition d’en maîtriser les excès maintenant connus : behaviorisme sommaire, taxonomies interminables, fractionnement excessif des objectifs, organisation de l’enseignement objectif par objectif, etc. (Hameline, 1979 ; Saint-Onge, 1995 ; Goulet, 1995). Connaissant ces limites, on ne devrait plus, aujourd’hui, oser enseigner sans poursuivre des buts explicites, communicables aux étudiants et sans en évaluer régulièrement, avec les apprenants, le degré de réalisation, d’abord à des fins de régulation (évaluation formative), ensuite, lorsqu’il ne reste plus de temps d’enseignement-apprentissage, à des fins certificatives. Il me semble que parler à ce propos de compétences n’ajoute rien. On peut d’ailleurs parfaitement enseigner et évaluer par objectifs sans se soucier du transfert des connaissances, encore moins de leur mobilisation, parmi d’autres ressources, face à des situations complexes. L’assimilation d’une compétence à un simple objectif d’apprentissage brouille les cartes et suggère à tort que chaque acquis scolaire vérifiable est une compétence.


2. La notion de compétence peut s’opposer à celle de performance : la performance observée serait un indicateur plus ou moins fiable de la compétence, supposée plus stable, mais qui n’est mesurable qu’indirectement. Dans ce contexte, la compétence est une promesse de performance de tel niveau moyen. C’est une acception développée en linguistique aussi bien qu’en psychométrie, mais sa seule vertu est d’opposer des dispositions virtuelles à leur actualisation, sans rien dire de leur nature " ontologique ".


3. Les compétences sont souvent synonymes de savoir-faire. Cet usage n’est pas illégitime, mais il place dans le même ensemble des savoir-faire extrêmement spécifiques - savoir ouvrir une boîte de conserve - et des savoir-faire composites, par exemple gagner une élection.


Une définition plus exigeante


Je propose de réserver la notion de compétences à des savoir-faire de haut niveau, qui exigent l’intégration de multiples ressources cognitives dans le traitement de situations complexes. Ce qui suggère immédiatement qu’une compétence peut être décomposée en composantes plus spécifiques, les " éléments de compétence " dans la terminologie du collégial québécois, les capacité dans d’autres approches. Quel que soit leur nom, on reconnaîtra que la somme de ces composantes n’équivaut pas à la compétence globale. Comme toujours dans les systèmes vivants, le tout est plus que la simple réunion des parties, parce qu’elles forment un système, comme le rappelle Tardif (1992, 1994).


Comme capacité de traitement d’une classe de problèmes, autrement dit d’un ensemble de situations de même structure appelant des décisions et des actions de même type, la compétence évoque le schème piagétien, structure invariante de l’action qui permet, au prix d’accommodations mineures, de faire face à une variété de situations semblables. La différence est que le schème est une totalité constituée, qui sous-tend un seul geste ou une seule opération mentale, alors que la compétence est investie dans une entreprise plus complexe, mobilisant de multiples ressources cognitives d’ordres différents : schèmes de perception, de pensée, d’action, intuitions, suppositions, opinion, valeurs, représentations construites du réel, savoirs, le tout se combinant dans une stratégie de résolution de problème au prix d’un raisonnement, d’inférences, d’anticipations, d’estimation des probabilités respectives de divers événements, de diagnostic à partir d’un ensemble d’indices, etc. En pratique, un schème sophistiqué permet de faire face à certaines situations complexes aussi bien qu’une compétence élémentaire, mais c’est parce que cette dernière, initialement constituée au travers d’une chaîne de raisonnements explicites et de décisions conscientes, s’est graduellement automatisée, devenant un nouveau schème apte à fonctionner comme cet " inconscient pratique " dont parle Piaget, ou ces " connaissances-en-actes " dont parle Vergnaud (1990).


Connaissances et compétences ne s’excluent pas


Écartons d’emblée une idée fausse, selon laquelle, pour développer des compétences, il faudrait renoncer aux connaissances. Ces dernières, au sens classique de l’expression, sont des représentations organisées du réel ou de l’action sur le réel. À ce titre, elles sont des ressources cognitives souvent essentielles dans la constitution d’une compétence. On le concédera sans doute volontiers si l’on pense aux compétences des professionnels de haut niveau, médecins, avocats ou architectes par exemple. Les tâches des travailleurs manuels moyennement qualifiés font appel à des connaissances plus " pratiques ", moins publiques. Un peu plus de considération pour les compétences professionnelles les moins prestigieuses montrerait qu’elles comportent toujours une part de raison pratique fondée sur certains savoirs. Il n’est pas indifférent que ces savoirs soient issus de l’expérience personnelle ou collective, du sens commun, de la tradition ou d’une culture professionnelle plutôt que de la science. Ce ne sont pas moins des savoirs à part entière, qui sous-tendent l’action au même titre que les savoirs les plus savants. On sait d’ailleurs que les professionnels de haut niveau recourent à des savoirs d’expérience autant qu’à leur bagage scientifique. Leur formation clinique ou pratique les prépare à agir au delà de ce que leurs savoirs savants pourraient expliquer ou contrôler !


On se trouve cependant, en formation générale, devant un vrai dilemme : toute compétence est fondamentalement liée à une pratique d’une certaine complexité. Non pas à un geste précis, mais à l’ensemble des gestes, des postures, des paroles qui traduisent une stratégie. Il ne s’agit pas nécessairement d’une pratique professionnelle, ou du moins n’est-il pas requis d’être un professionnel pour s’y adonner. Ainsi peut-on, en amateur, donner un concert, organiser des voyages, animer une association, soigner un enfant, planter des tulipes, placer de l’argent ou préparer un repas. Toutes ces pratiques, toutefois, admettent une forme professionnalisée. Ce qui n’a rien d’étrange : les métiers nouveaux naissent rarement ex nihilo, ils représentent en général l’aboutissement d’un processus de professionnalisation graduelle. Il est donc normal que toute compétence largement reconnue évoque une pratique professionnelle instituée, émergente ou virtuelle. Faut-il se battre contre ce phénomène, s’appliquer à définir des compétences sans aucun lien avec un métier ? Je ne le crois pas. Il me semble plus fécond de dégager ce par quoi une compétence particulière dépasse le métier dont elle est devenue l’emblème. Ce problème dépasse d’ailleurs le champ scolaire et se pose à propos du travail et des qualifications professionnelles (Arsac et. al, 1994 ; Ropé et Tanguy, 1994 ; Perrenoud, 1994 b ; Trépos, 1992 ; Stroobants, 1993).


Construction des compétences et culture générale


Lorsqu’on vise le développement de compétences, dans le sens proposé ici, à quels types de situations complexes et de pratiques se réfère-t-on ? La réponse est assez évidente dans les formations professionnelles : on prépare à un métier qui confrontera le praticien à certaines familles de problèmes typiques qui, en dépit de la singularité de chacun, sont passibles de " programmes de traitement " (Meirieu, 1989) ou de schèmes (Vergnaud, 1990) d’une certaine généralité. La qualification de l’élève, en cours et surtout en fin de parcours, se mesurera à sa capacité de faire face à des situations professionnelles classiques en mobilisant des ressources cognitives assez pertinentes et coordonnées pour construire une décision assez rapide pour répondre à l’événement et assez sûre pour conduire, la plupart du temps, à une issue acceptable, sinon optimale.


La question est moins simple dans le cadre des formations générales, notamment universitaires et préuniversitaires, dans la mesure où elles ne conduisent à aucune profession particulière, ni même à une famille de professions. D’où la crainte qu’une approche par compétences accentue le caractère préprofessionnel de l’enseignement de base et lui fasse perdre sa vocation de culture générale. Pour répondre à cette crainte, il ne suffit pas de répéter que nul ne songe à assigner à la scolarité de base la tâche de préparer prématurément à des professions. Il faut aussi démontrer que former à des compétences n’équivaut pas à former à des compétences professionnelles.


Certes, si l’on identifie la culture générale à la simple accumulation de connaissances, on ne peut qu’identifier les compétences à une formation " étroitement professionnelle ", voire " utilitariste ". Toutefois, ce n’est pas la seule conception possible. Préparer les jeunes à comprendre et transformer le monde dans lequel ils vivent, n’est-ce pas l’essence même d’une culture générale ? De fait, l’approche par compétences ne s’oppose à la culture générale que si on donne à cette dernière un sens traditionnel et étroit. Pourquoi la culture deviendrait-elle moins générale lorsque la formation de l’esprit ne passe pas seulement par la familiarisation avec les œuvres classiques ou les connaissances scientifiques de base, mais aussi par une capacité d’analyse, de mise en relation, de lecture critique, de questionnement ou de transposition ? On a d’ailleurs souvent crédité les langues anciennes, l’analyse grammaticale, l’explication de textes, l’apprentissage de la démarche expérimentale ou l’informatique de vertus plus globales de formation de l’esprit.


Il reste à identifier ce que sont les compétences visées par un enseignement de culture générale. Mon but n’est pas ici de procéder à un inventaire, que l’on trouve d’ailleurs dans les référentiels de compétences élaborés par les ministères ou les services spécialisés. La grille du collège Alverno (Laliberté, 1995, p. 139) me semble donner une bonne idée de la façon de concilier l’approche par compétences et le souci d’une culture générale :


Habileté à communiquer de façon efficace en émettant ou en décodant des messages transmis par une variété de moyens écrits, technologiques, audiovisuels.
Capacité d’analyse et ce qu’elle connote comme capacité de raisonner et de penser clairement.
Habileté à résoudre des problèmes, recherche la solution à des difficultés en tenant compte des contraintes et en ménageant une place à l’intuition et à la créativité.
Capacité d’entrer en interaction avec autrui dans des situations de personne à personne et dans des groupes de travail centrés sur l’accomplissement d’une tâche.
Facilité à formuler des jugements de valeur et à prendre des décisions autonomes, ce qui suppose que l’étudiante devienne capable de discerner des valeurs, de résoudre des conflits de valeurs à travers un processus de prise de décision et en vienne à se donner un ensemble de valeurs pour da propre vie.
Capacité de comprendre les relations entre l’individu et son environnement, compréhension qui débouche sur un engagement à travers lequel on assume ses responsabilités face à l’environnement.
Capacité de comprendre le monde contemporain dans lequel nous vivons avec les nombreux défis qu’il pose aux personnes et aux collectivités sur différents plans : économique, politique, social, etc.
Capacité de réagir aux arts : l’étudiante d’Alverno doit notamment travailler à développer sa sensibilité esthétique et apprendre à percevoir, analyser, évaluer les diverses formes que peut prendre l’expression artistique.
On pourrait évidemment discuter de chaque élément de cette liste et mettre en question l’homogénéité ou la cohérence de la conception des compétences. Je retiendrai de cette grille l’idée fondamentale qu’une compétence qu’on associe de prime abord à une pratique sociale (professionnelle ou non) renvoie souvent à une " familles " de situations-problèmes plus générales, mais auxquelles cette pratique confronte régulièrement. La grille du Collège Alverno ne désigne pas des compétences étrangères aux compétences professionnelles ou sociales, mais des compétences utilisables dans plusieurs champs de pratique.


Pourquoi l’enseignement de culture générale ne préparerait-il pas à faire face à des familles de problèmes, dans un sens très large : il y a problème lorsque l’intention de l’acteur se heurte à un obstacle qu’il n’a pas le moyen de tourner en appliquant simplement des routines ou des algorithmes, qu’il ne peut surmonter qu’en construisant une stratégie originale.


Compétences et disciplines


Développer des compétences générales oblige-t-il à renoncer aux disciplines d’enseignement ? Nullement. La question est plutôt de savoir à quelle conception des disciplines scolaires on se rattache. Il est évident, on l’a déjà dit, qu’il n’y a pas de compétences sans connaissances, et ces dernières sont pour la plupart disciplinaire, dans la mesure où la production des savoirs savants, et notamment scientifiques, obéit à une division du travail correspondant aux découpages disciplinaires du réel. Les connaissances sont en quelque sorte les ingrédients indispensables des compétences.


Mais le rôle des disciplines est tout aussi important dans la formation des compétences comme capacités de mobiliser des ressources cognitives face à des situations-problèmes complexes. Toute compétence de haut niveau est " transversale " au sens où elle mobilise des connaissances et des méthodes issues de plus d’une discipline. Cela ne signifie pas qu’il existe beaucoup de compétences complètement indépendantes de savoirs particuliers. L’accent mis sur les compétences transversales peut, paradoxalement, nuire à l’approche par compétences, qui ne nie pas les disciplines, mais si elle les combine dans la résolution de problèmes complexes. On peut d’ailleurs concevoir des compétences purement disciplinaires. Ce sont en général celles qu’on exige d’un chercheur ou d’un enseignant spécialisé. La transversalité totale est sans doute un rêve, le rêve d’un no man’s land où l’esprit se construirait hors de tout contenu ou plutôt, en n’utilisant les contenus que comme des terrains d’exercice plus ou moins féconds de compétences " transdisciplinaires ". Je ne peux ici que renvoyer aux réflexions de Marc Romainville.


La tentation de s’en remettre à la vie


On peut aujourd’hui, dans l’enseignement secondaire notamment, prétendre dispenser des connaissances sans se soucier de leur intégration à des compétences ou de leur investissement dans des pratiques. Cette position peut se fonder :


soit sur l’impression que cette intégration se fera d’elle-même une fois le sujet aux prises avec des situations complexes ;
soit sur le refus d’assumer cette intégration, en en renvoyant le souci à d’autres formateurs, à un encadrement par des praticiens plus expérimentés ou à " la vie ".
Ces deux raisons appellent des réfutations distinctes. La première est tout simplement démentie par les faits : beaucoup d’élèves n’ont ni les ressources personnelles ni les aides suffisantes pour utiliser pleinement leurs connaissances si cette utilisation n’a pas fait l’objet d’une formation, ou du moins d’un entraînement.


Quant à savoir si on peut confier l’intégration et la mobilisation des connaissances à d’autres formateurs, intervenant en aval dans le cursus, elle peut être débattue. Je ne vois pas, en ce qui me concerne, sur qui l’école ou l’université pourraient compter à coup sûr dans la famille, la cité ou le monde du travail, du moins pour une fraction des jeune. Ce qui conduit Meirieu et Tardif à soutenir, par exemple, que le désétayage ou plus globalement l’exercice du transfert, font partie du travail régulier de l’école, notamment pour tous les élèves qui, n’étant pas des " héritiers ", ne tiennent pas de leur famille les ressources ou les appuis que l’école ne peut ou ne veut leur apporter (Perrenoud, 1995).


Il me semble donc évident que la scolarité générale peut et doit, autant que les formations professionnelles, contribuer à construire des compétences. Ce n’est pas uniquement une question de motivation ou de sens, c’est une question didactique centrale : apprendre à expliquer un texte avec pour seule intention d’apprendre n’est pas apprendre, sauf à des fins scolaires, parce qu’il y a autant de façon d’expliquer ou d’interpréter un texte que de perspectives pragmatiques.


Décomposer les compétences peut les faire disparaître…


Encore faut-il que l’effort d’explication ou d’interprétation s’inscrive dans une intention de l’apprenant… L’école se contente trop souvent de présupposer cette intention d’une part, de la réduire d’autre part à l’intention d’apprendre à expliquer ou interpréter des textes. On peut certes admettre qu’au niveau du collégial, les étudiants sont capables de voir l’intérêt de travailler des éléments de compétences.


Une formation générale peut être tentée de travailler séparément des éléments de compétence définis à un niveau élevé d’abstraction : savoir communiquer, raisonner, argumenter, négocier, organiser, apprendre, chercher des informations, conduire une observation, construire une stratégie, prendre ou justifier une décision sont des expressions qui font sens, mais laissent la porte ouverte à de multiples interprétations. On peut comprendre la tentation des spécialistes des programmes et de l’évaluation standardisée lorsqu’ils illustrent ces compétences et les fractionnent en éléments de compétence pour mieux réduire la diversité. On peut craindre que ce soit une mauvaise pente : une compétence est un moyen puissant de traiter une classe de problèmes complexes. À trop l’analyser, on risque tout simplement de la perdre de vue…


Références
Arsac, G., Chevallard, Y., Martinand, J.-L., Tiberghien, A. (dir.) (1994) La transposition didactique à l’épreuve, Grenoble, La Pensée sauvage Éditions.


Astolfi, J.-P. (1992) L’école pour apprendre, Paris, ESF.


Chevallard, Y. (1985) La transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné, Grenoble, La Pensée Sauvage.


Désilets, M. & Tardif, J. (1995) Un modèle pédagogique pour le développement des compétences, in Goulet, J.-P. (dir.) Enseigner au collégial, Montréal, Association québécoise de pédagogie collégiale, pp. 319-328.


Develay, M. (1992) De l’apprentissage à l’enseignement, Paris, ESF.


Develay, M. (dir.) (1995) Savoirs scolaires et didactiques des disciplines, Paris, ESF.


Goulet, J.-P. (1995) L’évaluation sommative des compétences : un " beau " problème, in Goulet, J.-P. (dir.) Enseigner au collégial, Montréal, Association québécoise de pédagogie collégiale, pp. 399-405.


Hameline, D. (1979) Les objectifs pédagogiques en formation initiale et en formation continue, Paris, ESF.


Laliberté, J. (1995) Alverno : une réforme pédagogique riche d’enseignements, in Goulet, J.-P. (dir.) Enseigner au collégial, Montréal, Association québécoise de pédagogie collégiale, pp. 137-144.


Martinand, J.-L. (1986) Connaître et transformer la matière, Berne, Lang.


Meirieu, Ph. (1989) L’école, mode d’emploi, Paris, ESF.


Meirieu, Ph. (1990) Enseigner, scénario pour un métier nouveau, Paris, ESF.


Meirieu, Ph. (1993) L’envers du tableau, Paris, ESF.


Meirieu, Ph. (1995) Éduquer, un métier impossible ? ou " Éthique et pédagogie ", in Goulet, J.-P. (dir.) Enseigner au collégial, Montréal, Association québécoise de pédagogie collégiale, pp. 43-59.


Perrenoud, Ph. (1984, rééd. 1995) La fabrication de l’excellence scolaire : du curriculum aux pratiques d’évaluation, Genève, Droz.


Perrenoud, Ph. (1994 a) Métier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, ESF.


Perrenoud, Ph. (1994 b) La formation des enseignants entre théorie et pratique, Paris, L’Harmattan.


Perrenoud, Ph. (1995) La pédagogie à l’école des différences, Paris, ESF.


Ropé, F. et Tanguy, L. (1994) Savoirs et compétences. De l’usage de ces notions dans l’école et l’entreprise, Paris, L’Harmattan.


Saint-Onge, M. (1995) Les objectifs pédagogiques : pour ou contre ?, in Goulet, J.-P. (dir.) Enseigner au collégial, Montréal, Association québécoise de pédagogie collégiale, pp. 185-205.


Schön, D. (1983) The Reflective Practitioner, New York, Basic Books (trad. française : Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel, Montréal, Les Éditions Logiques, 1994).


Schön, D. (1987) Educating the Reflective Practitioner, San Francisco, Jossey-Bass.


Schön, D. (1991) Cases in reflective practice, New York, Teachers College Press.


St-Arnaud, Y. (1992) Connaître par l’action, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal.


Stroobants, M. (1993) Savoir-faire et compétences au travail. Une sociologie de la fabrication des aptitudes, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles.


Tardif, J. et al. (1995) Le développement des compétences, cadre conceptuel pour l’enseignement, in Goulet, J.-P. (dir.) Enseigner au collégial, Montréal, Association québécoise de pédagogie collégiale, pp. 157-168.


Trépos, J.-Y. (1992) Sociologie de la compétence professionnelle, Nancy, Presses universitaires de Nancy.


Vergnaud, G. (1990) La théorie des champs conceptuels, Recherches en Didactique des Mathématiques, vol. 10. n° 23, pp. 133-170.


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Livres à (re)lire






Philippe Perrenoud
Desarrollar la práctica reflexiva en el oficio de enseñar
Profesionalización y razón pedagógica
Barcelona : Graó, 2004


Título original :
Développer la pratique réflexive dans le métier d'enseignant.
Professionnalisation et raison pédagogique. Paris : ESF, 2001.


En la reflexión sobre el oficio de enseñar, la figura del practicante reflexivo propuesta por Schön, se impone cada vez con más fuerza. Los saberes racionales no bastan para hacer frente a la complejidad y a la diversidad de situaciones laborales. Por este motivo la principal apuesta consiste en recuperar la razón práctica, es decir los saberes de la experiencia basada en un diálogo con lo real y la reflexión en la acción y sobre la acción.


La práctica reflexiva tiene como objetivo coparticipar y hacer dialogar entre sí estos diversos saberes.


Este libro pretende profundizar en algunos aspectos de la formación del profesorado reflexivo e intenta demostrar que mediante la practice reflexiva del profesorado se puede conciliar la razón científica con la razôn práctica, el conocimiento de procesos universales con los saberes de la experiencia, la ética, la implicación y la eficacia.


Desarrollar la práctica reflexiva en el oficio de enseñar va destinado, en primer luger, a todos los profesionales que analizan y transforman sus prácticas, pero también a los que les acompañan : asesores, formadores, responsables de proyectos innovadores o equipos directivos de escuela.


Philippe Perrenoud, sociólogo, es profesor en la Universidad de Ginebra. Sus trabajos sobre la creación de disigualdades y de fracaso escolar lo han llevado a interesarse por la difenrenciación de la enseñanza y, de forma más global, por el curriculo, el trabajo escolar y las prácticas pedagógicas, la inovación et la formación de los enseñantes. Junco con Monica Gather Thurler a creado el laboratorio de investigación Innovation-Formation-Education (LIFE). Es autor de numerosos libros : Métier d'élève et sens du travail scolaire (ESF), La pédagogie à l'école des différences (ESF), La construcción del éxito y del fracaso escolar (Morata), Diez nuevas competencias para enseñar (Graó).




Índice


Introducción : La práctica reflexiva, clave de la profesionalización del oficio


Profesionalización, una expresión ambigua
El practicante reflexivo : un paradigma integrador y abierto
Formar a un principiante reflexivo
Guiar e! análisis de la pràctica en formación continua
Estructura de la obra
1. De la reflexión en la acción a una práctica reflexiva


La reflexión en plena acción
La reflexión fuera del impulso de la acción
La reflexión sobre el sistema de acción
Una reflexión tan plural como sus practicantes
De la reflexión ocasional a la práctica reflexiva


2. Saber reflexionar sobre la propria práctica : ¿es éste el objetivo fundamental de la formación de los enseñantes ?
¿Por qué formar a los enseñantes para reflexionar sobre su práctica ?
Para un entrenamiento intensivo para el análisis
Esto no es más que el principio
3. La postura reflexiva : ¿cuestión de saber o de habitus ?
Una transposición didáctica compleja
Postura reflexiva y formación del habitus
Saber analizar y relación reflexiva con la acción
4. ¿Es posible formar para la práctica reflexiva mediante la investigación ?


La ilusión cientificista
La ilusión disciplinar
La ilusión objetivista
La ilusión metodológica
Universitarización y pràctica reflexiva
5. La construcción de una postura reflexiva a través de un procedimiento clinico


El enfoque clínico, momento de construcción de saberes nuevos
El enfoque clínico, momento de desarrollo de las competencias
6. El análisis colectivo de la práctica como iniciación a la práctica reflexiva


El análisis de la práctica como ayuda para el cambio personal
Un análisis pertinente o cómo poner el dedo en la llaga de los verdaderos problemas
El arte de hurgar en las heridas sin producir demasiados daños
Un análisis acompañado de un trabajo de integración
El estado de la situación
7. De la práctica reflexiva al trabajo sobre el habitus


La ilusión de la improvisación y la lucidez
Aprender de la experiencia
Detrás de la práctica… el habitus
La concienciación y sus motores
De la concienciación al cambio
8. Diez desafios para los formadores de enseñantes


Trabajar sobre el sentido y las finalidades de la escuela sin hacer de ello una de misión
Trabajar sobre la identidad sin encarnar un modelo de excelencia
Trabajar sobre las dimensiones no reflexionadas de la acción y sobre las rutinas sin descalificarlas
Trabajar sobre la persona del enseñante y su relación con los demás sin convertirse en terapeuta
Trabajar sobre lo silenciado y las contradicciones del oficio y de la escuela sin decepcionar a todo el mundo
Partir de la práctica y de la experiencia sin limitarse a ellas, para comparar, explicar y teorizar
Ayudar a construir competencias e impulsar la movilización de los saberes
Combatir las resistencias al cambio y a la formación sin menospreciarlas
Trabajar sobre las dinámicas colectivas y las instituciones sin olvidar a las personas
Articular enfoques transversales y didácticos y mantener una mirada sistémica
Complejidad y postura reflexiva
9. Práctica reflexiva e implicación crítica


¿Es posible que la escuela permanezca inmóvil en contextos sociales en transformación ?
En primer lugar, las competencias de base
La práctica reflexiva como dominio de la complejidad
La implicación crítica como responsabilidad ciudadana
Forrnadores reflexivos y crIticos para formar a profesores reflexivos y críticos
10. La práctica reflexiva entre la razón pedagógica y el análisis del trabajo : vías de comprensión


La razón pedagógica
El análisis del trabajo y de las competencias
Profesionalización y práctica reflexiva








LIFE


Coordinatrice : Monica Gather Thurler


Site Internet : http://www.unige.ch/fapse/life


Courriel : life@pse.unige.ch



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  • 1. Organizar y animar situaciones de aprendizaje ; 
  • 2. Gestionar la progresión de los aprendizajes ;
  • 3. Elaborar y hacer evolucionar dispositivos de diferenciación ;
  • 4. Implicar al alumnado en su aprendizaje y en su trabajo ; 
  • 5. Trabajar en equipo ; 
  • 6. Participar en la gestión de la escuela ; 
  • 7. Informar e implicar a los padres y madres ; 
  • 8. Utilizar las nuevas tecnologías ; 
  • 9. Afrontar los deberes y los dilemas éticos de la profesión y 
  • 10. Organizar la formación continua. 



Diez nuevas competencias para enseñar describe un futuro posible y deseable para la profesión docente.

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Esta definición se apoya en tres elementos:
  1. La transferencia de los aprendizajes de unos contextos a otros, del contexto escolar al contexto de la vida y del trabajo, es decir, a su aplicabilidad.
  2. La movilización de los conocimientos, ¿cuáles?: todos.
  3. ¿Cuándo y Cómo? Ante situaciones problema, situaciones complejas como las que se presentan en la vida diaria y en el mundo del trabajo.
(tomado de Perrenoud, 1995)

La adaptabilidad de los aprendizajes a la vida y al trabajo pasa, en la opinión de Perrenoud, por la transferencia de los conocimientos y la construcción de competencias pues:
  • Para ser útiles los saberes escolares han de ser transferibles y
  • Esta transferencia exige que los saberes se integren en competencias de reflexión, de decisión y de acción a la medida de las situaciones complejas a las que cada individuo tiene que hacer frente.
(Perrenoud, 1995)
La competencia es la capacidad final que tiene un sujeto no solo de hacer uso de todas las capacidades y recursos disponibles en su entorno, incluidas sus propias capacidades, las adquiridas y las innatas, sino la capacidad de hacer sinergia de todas ellas para abordar situaciones-problema, por eso la competencia se mide en la acción concreta.
Los conocimientos escolares adolecen frecuentemente de un contexto de aplicación al que siempre apunta la competencia.

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