Source et copyright à la fin du texte
in Pédagogie collégiale (Québec),
Vol. 9, n° 1, octobre 1995, pp. 20-24.
Des savoirs aux compétences :
de quoi parle-t-on en parlant de compétences ?
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1995
Réussir à l’école n’est pas une fin en soi. Certes, chaque apprentissage prépare aux suivants dans le cursus scolaire. Mais au bout du compte, en principe, l’élève devrait être capable de mobiliser ses acquis scolaires en dehors de l’école, dans des situations diverses, complexes, imprévisibles. L’accent mis sur le réinvestissement des acquis scolaires répond à un souci d’efficacité de l’enseignement, d’adéquation plus grande des apprentissages scolaires aux situations de la vie au travail et hors travail. Aujourd’hui, cette préoccupation s’exprime dans ce qu’on appelle assez souvent la problématique du transfert des connaissances ou de la construction de compétences. Les deux expressions ne sont pas interchangeables, mais elles désignent toutes deux une face du problème :
pour être utiles, les savoirs scolaires doivent être transférables ;
mais ce transfert exige plus que la maîtrise de savoirs, il passe par leur intégration à des compétences de réflexion, de décision et d’action à la mesure des situations complexes auxquelles l’individu doit faire face.
Tout cela pourrait sembler aller de soi. Mais la scolarité est une longue marche, une tranche importante de l’histoire de vie des enfants, des adolescents et même des jeunes adultes, qui dure de 2 à 4 ans à 16 ou 25 ans, selon la durée des études. Lorsque " l’entrée dans la vie active " est aussi éloignée, il est facile de perdre de vue l’objectif final, en particulier durant la scolarité obligatoire, qui a pour mission de donner une culture générale sans référence à un avenir professionnel particulier. S’il l’on revient régulièrement, dans des termes qui changent d’une époque à l’autre, au problème du transfert des connaissances et de la construction des compétences, c’est parce qu’il n’est toujours pas résolu en pratique.
L’école développe à coup sûr une compétence : elle prépare ses meilleurs élèves à mobiliser des savoirs en situation d’exercice scolaire ou d’examen, c’est-à-dire dans un type très particulier de contexte. Et il se peut que cela suffise à la plupart des acteurs : les enseignants ont couvert leur programme, les élèves ont obtenu le droit de poursuivre leurs études. La question de savoir ce qu’il en restera plus tard, hors de la vie scolaire, n’est pas nécessairement une question cruciale dans la vie des maîtres et des élèves. À certains égards, c’est une question encombrante, embarrassante. L’école ne tient guère à l’affronter. Prendre conscience des limites du transfert des apprentissages scolaires, reconnaître que les élèves qui réussissent en classe ne sont pas nécessairement capables de mobiliser les mêmes savoirs dans d’autres situations, aurait, si l’on voulait ne pas se résigner à ces constats, des implications considérables en matière de contrat pédagogique, de transposition didactique, de travail scolaire, de gestion de classe, mais aussi, sans doute, de coopération professionnelle, de fonctionnement des établissements, de rôle de l’autorité scolaire.
Je tenterai ici de cerner ce qu’une approche par compétences et le souci du transfert des acquis implique pour le métier d’enseignant et le métier d’élève (Perrenoud, 1994 a, 1994 b). Je préciserai au préalable le sens que je donne provisoirement à la notion de compétence.
Nous sommes tous en quête d’une définition claire et partagée des compétences. Hélas, le mot se prête à de multiples usages et nul ne saurait prétendre donner LA définition. Que faire alors ? Se résigner à la tour de Babel ? Tenter d’identifier le sens le plus courant dans une institution ou un milieu professionnel ? Avancer une définition explicite et s’y tenir ? Je passerai d’abord en revue trois acceptions de la notion de compétence qui, à mon avis, n’apportent pas grand chose à la compréhension des problèmes. Je proposerai ensuite une conception plus exigeante des compétences, en les liant au transfert et à la mobilisation des connaissances.
Trois acceptions qui n’apportent pas grand chose
On peut assimiler une compétence à un objectif, à une performance potentielle ou à un savoir-faire. Ces trois acceptions sont légitimes, mais me semblent peu fécondes.
1. Parfois, on parle de compétences simplement pour insister sur la nécessité d’exprimer les objectifs d’un enseignement en termes de conduites observables ; on renoue alors avec la " tradition " - vieille maintenant de 30 ans !- de la pédagogie de la maîtrise ou des diverses formes de pédagogie par objectifs. Je n’ai donc rien contre l’approche par objectifs. Elle n’est nullement dépassée, à condition d’en maîtriser les excès maintenant connus : behaviorisme sommaire, taxonomies interminables, fractionnement excessif des objectifs, organisation de l’enseignement objectif par objectif, etc. (Hameline, 1979 ; Saint-Onge, 1995 ; Goulet, 1995). Connaissant ces limites, on ne devrait plus, aujourd’hui, oser enseigner sans poursuivre des buts explicites, communicables aux étudiants et sans en évaluer régulièrement, avec les apprenants, le degré de réalisation, d’abord à des fins de régulation (évaluation formative), ensuite, lorsqu’il ne reste plus de temps d’enseignement-apprentissage, à des fins certificatives. Il me semble que parler à ce propos de compétences n’ajoute rien. On peut d’ailleurs parfaitement enseigner et évaluer par objectifs sans se soucier du transfert des connaissances, encore moins de leur mobilisation, parmi d’autres ressources, face à des situations complexes. L’assimilation d’une compétence à un simple objectif d’apprentissage brouille les cartes et suggère à tort que chaque acquis scolaire vérifiable est une compétence.
2. La notion de compétence peut s’opposer à celle de performance : la performance observée serait un indicateur plus ou moins fiable de la compétence, supposée plus stable, mais qui n’est mesurable qu’indirectement. Dans ce contexte, la compétence est une promesse de performance de tel niveau moyen. C’est une acception développée en linguistique aussi bien qu’en psychométrie, mais sa seule vertu est d’opposer des dispositions virtuelles à leur actualisation, sans rien dire de leur nature " ontologique ".
3. Les compétences sont souvent synonymes de savoir-faire. Cet usage n’est pas illégitime, mais il place dans le même ensemble des savoir-faire extrêmement spécifiques - savoir ouvrir une boîte de conserve - et des savoir-faire composites, par exemple gagner une élection.
Une définition plus exigeante
Je propose de réserver la notion de compétences à des savoir-faire de haut niveau, qui exigent l’intégration de multiples ressources cognitives dans le traitement de situations complexes. Ce qui suggère immédiatement qu’une compétence peut être décomposée en composantes plus spécifiques, les " éléments de compétence " dans la terminologie du collégial québécois, les capacité dans d’autres approches. Quel que soit leur nom, on reconnaîtra que la somme de ces composantes n’équivaut pas à la compétence globale. Comme toujours dans les systèmes vivants, le tout est plus que la simple réunion des parties, parce qu’elles forment un système, comme le rappelle Tardif (1992, 1994).
Comme capacité de traitement d’une classe de problèmes, autrement dit d’un ensemble de situations de même structure appelant des décisions et des actions de même type, la compétence évoque le schème piagétien, structure invariante de l’action qui permet, au prix d’accommodations mineures, de faire face à une variété de situations semblables. La différence est que le schème est une totalité constituée, qui sous-tend un seul geste ou une seule opération mentale, alors que la compétence est investie dans une entreprise plus complexe, mobilisant de multiples ressources cognitives d’ordres différents : schèmes de perception, de pensée, d’action, intuitions, suppositions, opinion, valeurs, représentations construites du réel, savoirs, le tout se combinant dans une stratégie de résolution de problème au prix d’un raisonnement, d’inférences, d’anticipations, d’estimation des probabilités respectives de divers événements, de diagnostic à partir d’un ensemble d’indices, etc. En pratique, un schème sophistiqué permet de faire face à certaines situations complexes aussi bien qu’une compétence élémentaire, mais c’est parce que cette dernière, initialement constituée au travers d’une chaîne de raisonnements explicites et de décisions conscientes, s’est graduellement automatisée, devenant un nouveau schème apte à fonctionner comme cet " inconscient pratique " dont parle Piaget, ou ces " connaissances-en-actes " dont parle Vergnaud (1990).
Connaissances et compétences ne s’excluent pas
Écartons d’emblée une idée fausse, selon laquelle, pour développer des compétences, il faudrait renoncer aux connaissances. Ces dernières, au sens classique de l’expression, sont des représentations organisées du réel ou de l’action sur le réel. À ce titre, elles sont des ressources cognitives souvent essentielles dans la constitution d’une compétence. On le concédera sans doute volontiers si l’on pense aux compétences des professionnels de haut niveau, médecins, avocats ou architectes par exemple. Les tâches des travailleurs manuels moyennement qualifiés font appel à des connaissances plus " pratiques ", moins publiques. Un peu plus de considération pour les compétences professionnelles les moins prestigieuses montrerait qu’elles comportent toujours une part de raison pratique fondée sur certains savoirs. Il n’est pas indifférent que ces savoirs soient issus de l’expérience personnelle ou collective, du sens commun, de la tradition ou d’une culture professionnelle plutôt que de la science. Ce ne sont pas moins des savoirs à part entière, qui sous-tendent l’action au même titre que les savoirs les plus savants. On sait d’ailleurs que les professionnels de haut niveau recourent à des savoirs d’expérience autant qu’à leur bagage scientifique. Leur formation clinique ou pratique les prépare à agir au delà de ce que leurs savoirs savants pourraient expliquer ou contrôler !
On se trouve cependant, en formation générale, devant un vrai dilemme : toute compétence est fondamentalement liée à une pratique d’une certaine complexité. Non pas à un geste précis, mais à l’ensemble des gestes, des postures, des paroles qui traduisent une stratégie. Il ne s’agit pas nécessairement d’une pratique professionnelle, ou du moins n’est-il pas requis d’être un professionnel pour s’y adonner. Ainsi peut-on, en amateur, donner un concert, organiser des voyages, animer une association, soigner un enfant, planter des tulipes, placer de l’argent ou préparer un repas. Toutes ces pratiques, toutefois, admettent une forme professionnalisée. Ce qui n’a rien d’étrange : les métiers nouveaux naissent rarement ex nihilo, ils représentent en général l’aboutissement d’un processus de professionnalisation graduelle. Il est donc normal que toute compétence largement reconnue évoque une pratique professionnelle instituée, émergente ou virtuelle. Faut-il se battre contre ce phénomène, s’appliquer à définir des compétences sans aucun lien avec un métier ? Je ne le crois pas. Il me semble plus fécond de dégager ce par quoi une compétence particulière dépasse le métier dont elle est devenue l’emblème. Ce problème dépasse d’ailleurs le champ scolaire et se pose à propos du travail et des qualifications professionnelles (Arsac et. al, 1994 ; Ropé et Tanguy, 1994 ; Perrenoud, 1994 b ; Trépos, 1992 ; Stroobants, 1993).
Construction des compétences et culture générale
Lorsqu’on vise le développement de compétences, dans le sens proposé ici, à quels types de situations complexes et de pratiques se réfère-t-on ? La réponse est assez évidente dans les formations professionnelles : on prépare à un métier qui confrontera le praticien à certaines familles de problèmes typiques qui, en dépit de la singularité de chacun, sont passibles de " programmes de traitement " (Meirieu, 1989) ou de schèmes (Vergnaud, 1990) d’une certaine généralité. La qualification de l’élève, en cours et surtout en fin de parcours, se mesurera à sa capacité de faire face à des situations professionnelles classiques en mobilisant des ressources cognitives assez pertinentes et coordonnées pour construire une décision assez rapide pour répondre à l’événement et assez sûre pour conduire, la plupart du temps, à une issue acceptable, sinon optimale.
La question est moins simple dans le cadre des formations générales, notamment universitaires et préuniversitaires, dans la mesure où elles ne conduisent à aucune profession particulière, ni même à une famille de professions. D’où la crainte qu’une approche par compétences accentue le caractère préprofessionnel de l’enseignement de base et lui fasse perdre sa vocation de culture générale. Pour répondre à cette crainte, il ne suffit pas de répéter que nul ne songe à assigner à la scolarité de base la tâche de préparer prématurément à des professions. Il faut aussi démontrer que former à des compétences n’équivaut pas à former à des compétences professionnelles.
Certes, si l’on identifie la culture générale à la simple accumulation de connaissances, on ne peut qu’identifier les compétences à une formation " étroitement professionnelle ", voire " utilitariste ". Toutefois, ce n’est pas la seule conception possible. Préparer les jeunes à comprendre et transformer le monde dans lequel ils vivent, n’est-ce pas l’essence même d’une culture générale ? De fait, l’approche par compétences ne s’oppose à la culture générale que si on donne à cette dernière un sens traditionnel et étroit. Pourquoi la culture deviendrait-elle moins générale lorsque la formation de l’esprit ne passe pas seulement par la familiarisation avec les œuvres classiques ou les connaissances scientifiques de base, mais aussi par une capacité d’analyse, de mise en relation, de lecture critique, de questionnement ou de transposition ? On a d’ailleurs souvent crédité les langues anciennes, l’analyse grammaticale, l’explication de textes, l’apprentissage de la démarche expérimentale ou l’informatique de vertus plus globales de formation de l’esprit.
Il reste à identifier ce que sont les compétences visées par un enseignement de culture générale. Mon but n’est pas ici de procéder à un inventaire, que l’on trouve d’ailleurs dans les référentiels de compétences élaborés par les ministères ou les services spécialisés. La grille du collège Alverno (Laliberté, 1995, p. 139) me semble donner une bonne idée de la façon de concilier l’approche par compétences et le souci d’une culture générale :
Habileté à communiquer de façon efficace en émettant ou en décodant des messages transmis par une variété de moyens écrits, technologiques, audiovisuels.
Capacité d’analyse et ce qu’elle connote comme capacité de raisonner et de penser clairement.
Habileté à résoudre des problèmes, recherche la solution à des difficultés en tenant compte des contraintes et en ménageant une place à l’intuition et à la créativité.
Capacité d’entrer en interaction avec autrui dans des situations de personne à personne et dans des groupes de travail centrés sur l’accomplissement d’une tâche.
Facilité à formuler des jugements de valeur et à prendre des décisions autonomes, ce qui suppose que l’étudiante devienne capable de discerner des valeurs, de résoudre des conflits de valeurs à travers un processus de prise de décision et en vienne à se donner un ensemble de valeurs pour da propre vie.
Capacité de comprendre les relations entre l’individu et son environnement, compréhension qui débouche sur un engagement à travers lequel on assume ses responsabilités face à l’environnement.
Capacité de comprendre le monde contemporain dans lequel nous vivons avec les nombreux défis qu’il pose aux personnes et aux collectivités sur différents plans : économique, politique, social, etc.
Capacité de réagir aux arts : l’étudiante d’Alverno doit notamment travailler à développer sa sensibilité esthétique et apprendre à percevoir, analyser, évaluer les diverses formes que peut prendre l’expression artistique.
On pourrait évidemment discuter de chaque élément de cette liste et mettre en question l’homogénéité ou la cohérence de la conception des compétences. Je retiendrai de cette grille l’idée fondamentale qu’une compétence qu’on associe de prime abord à une pratique sociale (professionnelle ou non) renvoie souvent à une " familles " de situations-problèmes plus générales, mais auxquelles cette pratique confronte régulièrement. La grille du Collège Alverno ne désigne pas des compétences étrangères aux compétences professionnelles ou sociales, mais des compétences utilisables dans plusieurs champs de pratique.
Pourquoi l’enseignement de culture générale ne préparerait-il pas à faire face à des familles de problèmes, dans un sens très large : il y a problème lorsque l’intention de l’acteur se heurte à un obstacle qu’il n’a pas le moyen de tourner en appliquant simplement des routines ou des algorithmes, qu’il ne peut surmonter qu’en construisant une stratégie originale.
Compétences et disciplines
Développer des compétences générales oblige-t-il à renoncer aux disciplines d’enseignement ? Nullement. La question est plutôt de savoir à quelle conception des disciplines scolaires on se rattache. Il est évident, on l’a déjà dit, qu’il n’y a pas de compétences sans connaissances, et ces dernières sont pour la plupart disciplinaire, dans la mesure où la production des savoirs savants, et notamment scientifiques, obéit à une division du travail correspondant aux découpages disciplinaires du réel. Les connaissances sont en quelque sorte les ingrédients indispensables des compétences.
Mais le rôle des disciplines est tout aussi important dans la formation des compétences comme capacités de mobiliser des ressources cognitives face à des situations-problèmes complexes. Toute compétence de haut niveau est " transversale " au sens où elle mobilise des connaissances et des méthodes issues de plus d’une discipline. Cela ne signifie pas qu’il existe beaucoup de compétences complètement indépendantes de savoirs particuliers. L’accent mis sur les compétences transversales peut, paradoxalement, nuire à l’approche par compétences, qui ne nie pas les disciplines, mais si elle les combine dans la résolution de problèmes complexes. On peut d’ailleurs concevoir des compétences purement disciplinaires. Ce sont en général celles qu’on exige d’un chercheur ou d’un enseignant spécialisé. La transversalité totale est sans doute un rêve, le rêve d’un no man’s land où l’esprit se construirait hors de tout contenu ou plutôt, en n’utilisant les contenus que comme des terrains d’exercice plus ou moins féconds de compétences " transdisciplinaires ". Je ne peux ici que renvoyer aux réflexions de Marc Romainville.
La tentation de s’en remettre à la vie
On peut aujourd’hui, dans l’enseignement secondaire notamment, prétendre dispenser des connaissances sans se soucier de leur intégration à des compétences ou de leur investissement dans des pratiques. Cette position peut se fonder :
soit sur l’impression que cette intégration se fera d’elle-même une fois le sujet aux prises avec des situations complexes ;
soit sur le refus d’assumer cette intégration, en en renvoyant le souci à d’autres formateurs, à un encadrement par des praticiens plus expérimentés ou à " la vie ".
Ces deux raisons appellent des réfutations distinctes. La première est tout simplement démentie par les faits : beaucoup d’élèves n’ont ni les ressources personnelles ni les aides suffisantes pour utiliser pleinement leurs connaissances si cette utilisation n’a pas fait l’objet d’une formation, ou du moins d’un entraînement.
Quant à savoir si on peut confier l’intégration et la mobilisation des connaissances à d’autres formateurs, intervenant en aval dans le cursus, elle peut être débattue. Je ne vois pas, en ce qui me concerne, sur qui l’école ou l’université pourraient compter à coup sûr dans la famille, la cité ou le monde du travail, du moins pour une fraction des jeune. Ce qui conduit Meirieu et Tardif à soutenir, par exemple, que le désétayage ou plus globalement l’exercice du transfert, font partie du travail régulier de l’école, notamment pour tous les élèves qui, n’étant pas des " héritiers ", ne tiennent pas de leur famille les ressources ou les appuis que l’école ne peut ou ne veut leur apporter (Perrenoud, 1995).
Il me semble donc évident que la scolarité générale peut et doit, autant que les formations professionnelles, contribuer à construire des compétences. Ce n’est pas uniquement une question de motivation ou de sens, c’est une question didactique centrale : apprendre à expliquer un texte avec pour seule intention d’apprendre n’est pas apprendre, sauf à des fins scolaires, parce qu’il y a autant de façon d’expliquer ou d’interpréter un texte que de perspectives pragmatiques.
Décomposer les compétences peut les faire disparaître…
Encore faut-il que l’effort d’explication ou d’interprétation s’inscrive dans une intention de l’apprenant… L’école se contente trop souvent de présupposer cette intention d’une part, de la réduire d’autre part à l’intention d’apprendre à expliquer ou interpréter des textes. On peut certes admettre qu’au niveau du collégial, les étudiants sont capables de voir l’intérêt de travailler des éléments de compétences.
Une formation générale peut être tentée de travailler séparément des éléments de compétence définis à un niveau élevé d’abstraction : savoir communiquer, raisonner, argumenter, négocier, organiser, apprendre, chercher des informations, conduire une observation, construire une stratégie, prendre ou justifier une décision sont des expressions qui font sens, mais laissent la porte ouverte à de multiples interprétations. On peut comprendre la tentation des spécialistes des programmes et de l’évaluation standardisée lorsqu’ils illustrent ces compétences et les fractionnent en éléments de compétence pour mieux réduire la diversité. On peut craindre que ce soit une mauvaise pente : une compétence est un moyen puissant de traiter une classe de problèmes complexes. À trop l’analyser, on risque tout simplement de la perdre de vue…
Références
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